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IR Notes 247 – 5 mars 2025
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Une question à… Roland Erne, Professeur d'intégration européenne et de relations de travail, University College Dublin
Quels sont les principaux arguments pour que la Cour de justice ne suive pas les conclusions de son avocat général en faveur de l’annulation de la directive sur les salaires minimums adéquats (v. IR Notes n° 244) ? Tout d’abord, je me range à l’avis de plusieurs professeurs de droit qui considèrent que l'argumentation de l’avocat général Emiliou est erronée en raison de sa lecture inexacte de la jurisprudence existante (1). Il faut souligner que si la Cour de justice suivait l’interprétation de l’article 153 du TFUE proposée par l’avocat général Emiliou, elle devrait alors remettre en cause toute une série de directives. En effet, il est d’avis que l’UE n’a pas de compétence en matière de rémunération. Pour autant, cela n’a pas empêché l’UE d’adopter des directives qui abordent directement les questions de rémunération : la directive sur les travailleurs détachés institue le principe « à travail égal, salaire égal » ou la récente directive sur la transparence salariale qui oblige les employeurs à réaliser des audits lorsque des écarts de salaire sont constatés et à y remédier. À cela s’ajoute des arguments plus politiques que j’évoque dans un article (2). La conséquence d’une annulation de la directive renforcerait la défiance des travailleurs à l’égard de l’UE, notamment des travailleurs de tous les pays qui ont dû accepter des plans de sauvetage pour résorber la crise financière de 2018. À cette époque, le Conseil de l’UE n’a pas hésité à prendre des mesures qui ont conduit à réduire les salaires, sans se soucier de savoir s’il en avait la compétence (3). L’actuelle secrétaire générale de la CES, Esther Lynch, alors en charge de ce dossier, avait contesté, en vain, la compétence du Conseil. Et les contentieux introduit devant la Cour ont tous été perdus, au motif que les réductions de salaire étaient justes, car il fallait stabiliser l’économie européenne. Si la Cour décide que l’UE n’a pas de compétence en matière de salaire, elle se contredirait. Et ce sera difficilement acceptable par les travailleurs. Si le gouvernement du Danemark gagne cette affaire, la légitimité populaire de l’UE sera encore plus fragilisée. Les travailleurs ne comprendront pas pourquoi les réductions de salaire favorables aux entreprises sont légales alors qu’une directive favorable aux travailleurs sur les salaires minimaux adéquats ne l’est pas. La Cour peut décider ce qu’elle veut puisque le traité contient des articles qu’elle peut interpréter dans un sens ou dans un autre. Enfin, une annulation pourrait arranger les partis de centre-droite d’Ursula von der Leyen et d’Emmanuel Macron, qui ont soutenu le texte pour augmenter la légitimité populaire de l’UE après une décennie d’interventions anti-salariales dans le cadre de la nouvelle gouvernance économique de l’UE. Ils pourront ainsi verser des larmes de crocodile et dire, « nous étions pour le texte qui augmente les droits les travailleurs européens, mais malheureusement, ce n’était pas légal » !
(1) Kilpatrick, C., Steiert, M., A little learning is a dangerous thing : AG Emiliou on the Adequate Minimum Wages Directive (C-19/23, Opinion of 14 January 2025), EUI, LAW, Working Paper, 2025/02 (2) Erne, R. (2025) 'The EU Minimum Wage Directive: To Be or Not to Be?' Social Europe, 24 February (3) v. Erne, R., Stan, S., Golden, D., Szabó, I. and Maccarrone, V. (2024) ,« Sur le nouveaux régime de gouvernance économique UE et ses effet sur la politique salariale: Politicising Commodification. European Governance and Labour Politics from the Financial Crisis to the Covid Emergency. Cambridge University Press.
> Voir aussi : les contre-conclusions publiées par la Confédération européenne des syndicats.
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À la Une
Des entreprises moins durables et moins vigilantes
La Commission européenne a présenté, le 26 février, deux « paquets » de mesures, surnommés « Omnibus », visant à restaurer la compétitivité des entreprises européennes en allégeant leurs charges administratives, à hauteur de « plus de 6 milliards d'euros », grâce à la révision des directives sur le devoir de vigilance (v. Due diligence) et sur les obligations de reporting de durabilité (v. Sustainability reporting), ainsi que du règlement sur la taxonomie, soit des textes phares du Green Deal adoptés sous la précédente mandature (v. European Green Deal). Ces mesures sont l’aboutissement d’une forte pression des employeurs auprès des députés européens et des gouvernements. Déjà, en octobre 2023, une majorité des députés écartaient un projet de résolution visant à rejeter le règlement délégué présenté par la Commission qui précise les normes européennes d'information en matière de durabilité (Environmental and Social Reporting Standards – ESRS) devant figurer dans les rapports de développement durable (v. IR Notes 217). Au même moment, la nouvelle Commission promettait dans son programme de travail de la mandature de réduire de 25 % les charges liées aux obligations de déclaration des citoyens et des entreprises « sans abaisser les normes sociales, environnementales, économiques » (v. IR Notes 217). En mars 2024, après le rejet, par le Conseil, du texte de compromis sur la proposition de directive relative au devoir de vigilance, le Conseil et le Parlement ont fini par trouver un accord permettant enfin son adoption, en sacrifiant déjà une partie des ambitions de la proposition (v. IR Notes 226). Mais les opposants ne se sont pas déclarés vaincus. Ils ont poursuivi leur lobbying intensif, invoquant le rapport sur l’avenir de la compétitivité européenne de Mario Draghi, pour amener la Commission à présenter en urgence une révision de ces deux textes (v. IR Notes 236). C’est donc l’objet du paquet « omnibus » de revoir à la baisse les ambitions de la législation européenne sur le reporting de durabilité, la taxonomie et le devoir de vigilance. Plusieurs années d’élaboration et de processus démocratique sont ainsi balayées d’un revers de main, comme si ces textes résultaient d’un aveuglement collectif et expliquaient en partie le retard de compétitivité de l’UE par rapport aux États-Unis. Certes, Mario Draghi évoquait sur quelques pages, parmi les 300 de son rapport, les lourdeurs administratives engendrées par ces législations notamment en raison d’un certain nombre d’incohérences et de doublons. Mais l’essentiel de son message était de plaider pour une vraie stratégie industrielle, une union des capitaux et un renforcement considérable des investissements y compris publics via des emprunts européens. Fière de son travail de détricotage, la Commission voit dans sa proposition « omnibus », « une avancée majeure dans la création d'un environnement commercial plus favorable pour aider les entreprises de l'UE à croître, à innover et à créer des emplois de qualité ». L’initiative suscite l’ire des syndicats, et encore plus celle des ONGs qui se font éjectées de la définition des parties prenantes. Seules les organisations patronales sont satisfaites (v. ci-dessous). Une victoire idéologique qu’elles peineront à faire partager avec nombre d’entreprises engagées à démontrer leur durabilité pour accéder aux financements en convainquant les investisseurs. Concernant les représentants du personnel, leurs droits ne semblent pas touchés pour l’instant. Mais nombre d’entre eux ne sont plus concernés par ces textes qui devaient leur apporter des informations qu’ils n’ont pas actuellement. Quant à ceux qui restent concernés, il faudra s’attendre à ce qu’ils perdent l’accès à une série d’indicateurs (la Commission promet une simplification et une réduction des points à contrôler) et soient sans doute moins impliqués dans les différentes phases d’élaboration des rapports de durabilité ou la cartographie des risques (la Commission évoque une implication des parties prenantes là où ils sont indispensables). Maintenant, les propositions vont être soumises au Parlement européen et au Conseil pour examen et adoption. Les modifications concernant la CSRD et la CS3D devront être traitées en priorité et elles « entreront en vigueur dès que les colégislateurs seront parvenus à un accord sur les propositions et après leur publication au JO de l'UE », prévient la Commission. Les délais de transposition seront rapides afin de « répondre aux principales préoccupations identifiées par les parties prenantes ». Ainsi, la simplification ne sera pas immédiate, d’autant plus que le Parlement sera sans doute peu enthousiaste à l’idée de détricoter de nouveau des textes pour lesquels il s’est battu. À moins que les députés du PPE jouent la carte du populisme en s’alliant pour la circonstance avec les partis d’extrême droite. Enfin, comme la directive CSRD a déjà largement été transposée par les États membres, les gouvernements devront lancer un processus législatif pour passer le coup de rabot dans leur propre législation. Une vraie simplification…
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1. Union européenne
Législation
Stratégie industrielle et restructurations : la Commission européenne a publié, le 26 février, une communication relative au « Pacte pour une industrie propre » qui contient une série de mesures destinées à renforcer la compétitivité des entreprises européennes, en aidant à la décarbonation de l’économie, à la réduction des coûts de l’énergie tout en protégeant l’Union de la concurrence déloyale. L’initiative répond en partie aux revendications tant des syndicats (v. communiqué de la CES et d’IndustriAll Europe) que des employeurs (v. communiqué de BusinessEurope et Ceemet). À noter que la communication évoque la future « feuille de route pour des emplois de qualité » qui doit apporter « un soutien aux travailleurs en transition ». Ainsi, « la Commission discutera avec les partenaires sociaux d'un cadre pour soutenir les processus de restructuration au niveau de l'UE et des États membres. Ce cadre sera axé sur une transition juste, sur l'anticipation du changement, sur une intervention plus rapide en cas de menace de restructuration et sur un cadre d'information et de consultation amélioré » (v. communiqué et Restructuring). Sur ce point le patronat de la métallurgie, le Ceemet, a précisé que bien que favorable « à un cadre de transition juste négocié et approuvé par les partenaires sociaux, nous pensons que les législations nationales et européennes existantes traitent déjà des licenciements collectifs et du processus de restructuration, ce qui rend inutile toute mesure supplémentaire de l'UE dans ce domaine » (v. communiqué). © Europa union, 2025
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Projets
Allégement des rapports de durabilité : les rapports sur le développement durable représentent une charge trop lourde pour les entreprises surtout pour les PME ? Qu’à cela ne tienne, la Commission sort sa tronçonneuse en relevant le seuil d’effectifs des entreprises concernées. Ainsi, comme indiqué dans la proposition de directive qui révise la directive 2022/2464 du 14 décembre 2022 sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (directive « CSRD ») seules les entreprises de plus de 1 000 salariés (au lieu de 250) et dont le chiffre d’affaires dépasse 50 millions d’euros, ou dont le bilan est supérieur à 25 millions d’euros, restent dans le champ d’application de la directive. Cela permet de sortir environ 80% des entreprises concernées. Les entreprises de moins de 1000 salariés seraient invitées à suivre volontairement « des normes proportionnées et simplifiées ». Les plus grandes devraient établir un rapport sur la base de la première série de normes ESRS, comme prévu, mais ces normes seront aussi révisées à la baisse (sans savoir à ce stade, quelles seraient exactement les normes sacrifiées). Il s’agit « de réduire considérablement le nombre de points de données de l'ESRS en supprimant ceux qui sont jugés les moins importants pour les rapports généraux sur le développement durable », précise le document de travail des services de la Commission. Par ailleurs, la Commission propose de repousser de deux ans (jusqu’en 2028) les exigences de reporting pour les entreprises actuellement dans le champ d’application du texte et qui sont tenues de produire un rapport à partir de 2026 ou 2027 (v. proposition de directive relative aux dates d’entrée en vigueur). À cela s’ajoute aussi des limitations dans la collecte d’informations dans la chaîne d’approvisionnement.
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Réduction du devoir de vigilance : à peine entrée en vigueur, la directive 2024/1760 du 13 juin 2024 sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (directive « CS3D ») est dépecée en obligeant les entreprises concernées à n’évaluer que leurs partenaires commerciaux directs (fournisseurs de rang 1). Ainsi, selon la proposition de directive, au-delà du premier niveau, elles ne devraient évaluer un fournisseur uniquement lorsqu'elles disposent d'informations plausibles suggérant l'existence d'incidences négatives réelles ou potentielles dans la chaîne d’approvisionnement. Comme l’explique le document de travail des services de la Commission, « le fait de concentrer les obligations de devoir de vigilance sur les partenaires commerciaux directs réduit considérablement le champ d'application matériel et la charge éventuelle pour les entreprises concernées, ainsi que l'effet de ruissellement sur les partenaires commerciaux, en particulier les PME et les petites entreprises de taille intermédiaire, tant dans l'UE qu'au-delà ». Dans leur travail de cartographie des risques, les entreprises devraient limiter les informations qu'elles demandent à leurs partenaires commerciaux directs (PME n'employant pas plus de 500 salariés) aux informations spécifiées dans les normes volontaires d'établissement de rapports sur le développement durable (normes VSME) prévues par la directive CSRD révisée. En cas de violation grave, les entreprises n’auraient plus l’obligation, en dernier recours, de rompre la relation d’affaires avec leur fournisseur, mais de la suspendre. La Commission veut aussi revoir la notion de « partie prenante » en « simplifiant la définition et en la limitant aux travailleurs, à leurs représentants, aux individus et aux communautés dont les droits ou les intérêts sont ou pourraient être "directement" affectés par les produits, les services et les activités de l'entreprise, de ses filiales et de ses partenaires commerciaux ». Un texte qui semble mettre sur la touche les ONGs. Le texte réduit la fréquence des évaluations périodiques et du suivi de leurs partenaires d’une année à cinq ans. Enfin, la Commission joue aussi la montre en estimant nécessaire de donner plus de temps aux entreprises « pour se préparer à se conformer aux nouvelles exigences » en reportant d'un an (au 26 juillet 2028) l'application des exigences en matière de devoir de vigilance pour les plus grandes entreprises, tout en avançant d'un an (à juillet 2026) l'adoption des lignes directrices (v. proposition de directive relative aux dates d’entrée en vigueur).
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Actualité sociale
Réactions des partenaires sociaux européens : pour la Confédération européenne des syndicats (CES), la proposition affaiblit « les mécanismes conçus pour tenir les entreprises responsables des mauvais traitements infligés aux travailleurs dans leurs chaînes d'approvisionnement » (v. communiqué). « Il ne s'agit pas de simplification. Il s'agit de déréglementation, dénonce Isabelle Schömann, secrétaire générale adjointe de la CES. Ces deux textes législatifs sur les droits de l'homme sont le fruit d'années de consultation, d'analyse et de négociations. En plus d'être inefficace, revenir sur les résultats de ce processus est profondément antidémocratique. » Pour elle, la proposition « est le résultat d'un processus truqué au cours duquel la Commission européenne a invité à sa « consultation » cinq fois plus de lobbyistes d'entreprises que de représentants de syndicats ou d'ONG ». Du côté des employeurs, la satisfaction est de mise et la demande est d’aller encore plus loin. « Les propositions visant à remédier aux déséquilibres dans le champ d'application matériel et la responsabilité au titre de la CS3D constituent des avancées majeures, se félicite Markus J. Beyrer, directeur général de BusinessEurope (v. communiqué). En outre, la réduction significative de la quantité de données à collecter, à certifier et à publier annuellement dans le cadre de la CSRD est la bienvenue, car elle représente des efforts de simplification tangibles, sans remettre en cause les objectifs ». Cependant, « des efforts supplémentaires doivent être faits pour garantir une approche harmonisée sur le devoir de vigilance afin d'éviter la fragmentation en aval ».
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Jurisprudence
Transparence des algorithmes : la Cour de justice a rendu un arrêt, le 27 février, dans une affaire opposant une consommatrice à un opérateur de téléphonique qui lui a refusé un abonnement au motif de son insolvabilité. Comme la décision reposait sur un algorithme, la Cour de justice a jugé que « le responsable du traitement doit décrire la procédure et les principes concrètement appliqués de telle manière que la personne concernée puisse comprendre lesquelles de ses données à caractère personnel ont été utilisées lors de la prise de décision automatisée en cause, la complexité des opérations à effectuer dans le cadre de la prise de décision automatisée n'étant pas de nature à dispenser le responsable du traitement de l'obligation de fournir une explication. » Une solution qui vaut aussi pour des contentieux en droit du travail si une décision de l’employeur résulte d’une décision automatisée produite par un algorithme. Une décision qui démontre que si la Commission refuse de préparer un texte pour encadrer la gestion algorithmique dans les entreprises, la Cour de justice s’en chargera (v. communiqué de presse).
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Dialogue social sectoriel
Aviation civile : les partenaires sociaux européens du secteur de l’aviation civile ont adopté, le 7 novembre 2024, une déclaration conjointe sur l'équilibre femmes-hommes. Elle souligne la sous-représentation des femmes parmi les pilotes (5,2%) et dans les activités de contrôle aérien, de maintenance et d’assistance au sol. Pour les signataires, la question de l'équilibre entre les hommes et les femmes doit être « une priorité absolue ». À cette fin, ils s’engagent à promouvoir ces métiers auprès des femmes, mais aussi à repenser l’organisation du travail, en leur proposant des horaires de travail flexibles, des emplois à temps partiel et en répondant aux besoins en matière de maternité. Le texte cite la compagnie Turkish Airlines qui a porté le congé de maternité légal de 16 à 20 semaines et a donné la possibilité de travailler à temps partiel jusqu'à ce que les enfants atteignent l'âge de l'école primaire (v. communiqué de l’ETF).
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2. États membres
Espagne
Démocratie au travail : « Sans démocratie au travail, la démocratie est incomplète ». C’est ce qu’a déclaré la ministre du Travail et de l'Économie sociale, Yolanda Diaz, le 20 février, lors du lancement d’un comité d’experts chargé de proposer des pistes pour renforcer la démocratie au travail, présidé par la sociologue belge Isabelle Ferreras, directrice de recherche FNRS, chercheuse associée à Harvard et Oxford, et professeur de sociologie à l’Université Catholique de Louvain (v. communiqué de presse). La mission de ce comité est de concrétiser l'article 129.2 de la Constitution, qui évoque les différentes formes de participation des travailleurs dans l'entreprise, les sociétés coopératives et l’accès des travailleurs à la propriété des moyens de production. « Sur cette base, explique Sara Lafuentes, chercheuse à l’Institut syndical européen et membre du comité, le législateur a régulé l’information et la consultation des travailleurs, ou la participation dans l’économie sociale, mais aucune loi n’a été adoptée sur une quelconque forme de participation financière ou représentation des salariés dans les conseils d’administration. » Après une première tentative avortée, en 2024, de débattre de ce sujet au Parlement (v. article dans Social Europe), Yolanda Diaz s’est engagée dans une nouvelle démarche : demander à des experts de produire un rapport, à remettre en septembre, qui contiendra deux parties. L’une vise à réaliser un diagnostic fondé sur la littérature scientifique pour comprendre ce que la participation des salariés aux décisions d’entreprise peut apporter face à de nombreuses crises, comme la crise écologique. « L’autre, précise Sara Lafuentes, consiste à proposer des solutions dans la législation, avec des objectifs à atteindre et des mesures pour les discuter ensuite avec les partenaires sociaux, dans le cadre du dialogue social tripartite, avant de pouvoir déboucher sur un projet de loi ». Cette initiative s’inscrit dans le droit-fil rapport parlementaire de Gabriele Bischoff, sur la démocratie au travail, adopté en juin 2021, et des conclusions sur la démocratie au travail et la négociation collective verte, approuvées en novembre 2023, par le Conseil de l’UE, à l’initiative de Yolanda Diaz. La revue de littérature scientifique sur les bienfaits de la démocratie au travail, qui sera réalisée par des experts de plusieurs pays, pourrait ouvrir une réflexion et débat public plus large sur la démocratie au travail en Espagne, et devenir une base de travail pour les syndicats d’autres États membres revendiquant une meilleure participation aux décisions des entreprises.
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Italie
Convention collective de l'électricité : les partenaires sociaux de secteur de l’électricité ont approuvé, le 11 février, le renouvellement de leur convention collective sectorielle pour la période 2025-2027. Le texte, qui couvre 60 000 salariés, prévoit une revalorisation des salaires minimaux « qui compense de manière adéquate les effets de l'inflation de ces dernières années », selon les trois syndicats signataires, et une réduction du temps de travail. Les trois demi-journées de « liberté d’après-midi » passent désormais à trois journées de repos complètes. Le nombre d'heures pour le droit individuel à la formation est également augmenté, passant de 40 à 45 heures en 2026 puis 50 heures en 2027. Autre nouveauté : l'obligation d’information et de consultation préalables au niveau de l'entreprise sur le thème de l'intelligence artificielle. Ce sujet est également ajouté à ceux traités par l’observatoire sectoriel paritaire, comme les questions de transition énergétique, les nouveaux scénarios découlant de la décarbonisation et les politiques de lutte contre le changement climatique. Par ailleurs, les signataires allongent le congé pour les victimes de violences et de harcèlement fondés sur le sexe, de 6 à 12 mois, avec maintien de la rémunération. Les dispositions sur la facilitation de l’accès au télétravail ou au temps partiel sont inchangées.
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3. Entreprises
Comités d’entreprise européens
Négociations dans les groupes de santé : la première réunion de négociation pour mettre en place un CE européen au sein du groupe Norlandia (4000 salariés) s’est tenue, à Oslo, à la mi-février. Norlandia a des salariés en Finlande, Norvège et Suède. Une négociation doit également se finaliser dans le groupe de santé français Colisée qui gère des maisons de retraite (v. communiqué). Ces négociations s’inscrivent dans un projet mené depuis 2020 par la Fédération syndicale européenne des services publics, qui vise à mettre en place des CE européens dans les grands groupes de la santé du secteur privé.
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Absentéisme : la direction de Clariane (60 000 salariés) et le comité européen de la société européenne (CE-SE) ont élaboré un guide des bonnes pratiques managériales visant à lutter contre l’absentéisme. Le guide est organisé autour de cinq thématiques : organisation du travail, gestion des absences, considération apportée aux équipes, ambiance de travail et prévention santé sécurité. En matière de gestion des absences, il est par exemple proposé « d’appeler les vacataires ou CDD qui sont prévus le week-end, chaque vendredi après-midi, pour s’assurer de leur présence. » Ou bien d’identifier les pics d’absence et croiser les données avec les événements sur site. Les recommandations capitalisent notamment sur des expériences de managers ayant réussi à baisser l’absentéisme sur leur site en France et en Allemagne. Il a été traduit dans toutes les langues et été diffusé dans tous les pays. Ce guide a été produit par un groupe de travail dédié, établi à la suite de la Déclaration commune sur la réduction de l’absentéisme, adoptée en 2022 par le CE-SE.
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